
Bon, Barbie ne supportant pas l’idée de cette scène, Ken a demandé à être doublé par Joe le GI.
et très honnêtement, au final, « Le Ken montagnard » sonnant beaucoup mieux que « GI’Joe le montagnard », je l’ai appelée ainsi. Je me suis arrangé avec Joe ensuite … LOL
Et à elle seule, cette photo, elle mérite un petit article pour que vous en connaissiez vraiment l’histoire. En effet, en son temps et même encore maintenant, elle a eu son « moment de gloire », si, si, n’ayons pas peur des mots.
Commençons par le commencement.
Nous sommes à l’époque du minitel, Oui, j’ai connu le minitel ! LOL
Deux amis veulent créer un 3615, les ancêtres des sites de rencontres. J’ai déjà réalisé le portrait de l’un des deux, ils sont venus à certaines de mes expos, et ils souhaitent que je réalise une photo de nu masculin pour la com’ de leur « 3615 ».
Ce n’est pas du tout mon univers, j’aime découvrir l’autre au travers de son regard, de son sourire, comme vous pouvez le voir ici :
Ils insistent à plusieurs reprises. Après un sympathique diner, je finis par céder.
« OK, vous trouvez le modèle, vous venez avec. Vous repartirez avec les films et je vous dirai où aller les faire développer ».
Un samedi, ils débarquent tous les 3. Oui, ils l’ont bien choisi le modèle. Non seulement, il est beau, bien fait mais en plus il est très agréable. On plaisante et fait connaissance autour d’un café, cela ne peut se passer autrement avec moi.
La séance se déroule très sympathiquement, le modèle se plie à toutes mes idées, « photographiques » bien entendu. Je coupe sa tête et je cache son sexe par tous les moyens possibles.
D’une part, je suis incapable de réaliser des portraits avec mon intensité habituelle tout en mettant en même temps les corps en valeur.
D’autre part, j’ai toujours trouvé qu’une photo de nu avec le sexe relevait plus d’un certain voyeurisme que d’une photo « artistique ».
Ils repartent tous les trois avec les films.
Quelques jours plus tard :
« Jean-Yves, tu pourrais passer voir les photos ? »
Un peu persuadé que ce n’est pas top et que je dois les refaire, je passe chez un soir après le travail. Je ne leur ai rien demandé pour les photos, ils ont payé les films et les tirages.
Chez eux, je regarde les planches contact avec mon compte-fil.
« Euh ! c’est moi qui ai fait ça ? »
Ils me regardent avec un grand sourire.
Je les trouve magnifiques. Lumière. Mise en valeur du corps comme une sculpture.
« Bon, maintenant, tu reprends tout et tu nous donnes ton prix pour le droit d’utilisation de ces deux photos ».
J’en chiale presque, euh si, j’avoue, j’ai ma larme, tellement je suis un peu fier. Mes premiers nus.
Et la communication sort avec ces deux photos, je prends même un pseudo pour le crédit photo. Car je ne sais pas trop gérer cette mise en avant avec des nus.


Et le Ken ? je vous entends vous impatienter. On y arrive.
Quelques jours plus tard, je montre les fameuses planches contact à Jean-Pierre, un ami, venu diner à la maison.
« Il est hors de question que tu t’arrêtes là, il faut que tu en fasses une exposition. Ça va bien marcher ces photos. »
« Je suis d’accord, mais pour faire une exposition, il me faut aborder plusieurs modèles, réaliser un certain nombre de séances et de photos, faire les tirages pour faire mon book de présentation, plus tous les tirages pour l’expo elle-même, je n’ai pas vraiment les moyens actuellement pour tout cela ».
Je sortais d’une période courte mais bien réelle de chômage.
Jean-Pierre sort son chéquier de sa sacoche, et me fait un chèque de la totalité.
« Voilà, maintenant, tu n’as plus d’excuses. Tu me paieras en photos. »
Un ami, un vrai, toujours présent aujourd’hui et ainsi depuis 44 ans.
J’en parle à une amie qui travaille à l’accueil d’une salle de sports pour qu’elle me fasse un peu de recrutement, j’envoie des courriers à quelques amis. Difficile de ne pas leur en parler. Diego vient de Rome pour un week-end séance photo. Et bien d’autres répondent présents.
Christophe, un ami, a une magnifique collection de poupées Barbie et de GI’ Joe. La collection qui vous permet d’acheter un appartement après en avoir vendu la moitié à un collectionneur anglais, ce qu’il fait quelques années plus tard.
Il en a un qui me fait penser à Jésus-Christ, et ce projet d’exposition me donne l’idée d’une photo, oui, je l’avoue, un peu provocatrice, mais, je trouve l’idée rigolote, sans aucune méchanceté de ma part.
Une photo d’un torse nu, un piercing à chaque téton et le GI ’ « Christ » accroché aux deux piercings.
Me voilà donc à la recherche d’un joli torse avec ces deux piercings.
Pas très simple à trouver.
Un samedi, je vais directement le chercher à la source. Je rentre dans une boutique de piercings dans le marais à Paris. Et je présente mon idée et ma recherche au vendeur dès que nous nous retrouvons seuls.
« J’ai exactement le gars qu’il vous faut. Il s’appelle Christophe et travaille dans un bar un peu plus loin ».
Il avait à peine fini sa phrase que la porte s’ouvre. Rentre un garçon très souriant qui nous salue tous les deux.
« Tu peux t’approcher ? » lui demande le vendeur
A peine à portée de sa main, le vendeur lui baisse son débardeur, afin de découvrir son torse très musclé, et doublement percé.
Il éclate de rire, se demandant ce qu’il se passe, pendant j’ai dû devenir rouge écrevisse ou pivoine, je vous laisse choisir !
« Je vous présente le Christophe dont je vous parlais, c’est ce que vous cherchez ? »
Sans trop bafouiller, si un peu, je lui explique ma recherche, mon idée de photos et mon projet de photos pour un exposition.
Il avait vu la pub avec les premières photos.
« Avec grand plaisir, l’idée me plait bien ».
Rendez-vous est pris, après avoir pris un verre dans son bar.
Un samedi après-midi, nous voilà, avec quelques GI ‘Joe que mon ami me prête pour l’occasion et son torse juste parfait.
Une séance pleine de rires et de complicité.
La photo que j’ai en tête prend forme.

Mais une autre est aussi créée ce jour-là, avec beaucoup d’humour et d’essais, et c’est enfin la sortie que vous attendez,
LE KEN MONTAGNARD est né.

L’expo a lieu rue Elzévir, près de la Place des Vosges, dans un magnifique Bar Lounge, disparu aujourd’hui, que Jean-Pierre nous a dégoté.
Aujourd’hui, je n’aurais pas hésité à l’appeler « Sans queue ni tête », trop tentant…
À l’époque, je n’ose pas. Elle s’appellera pudiquement « A bras le corps ».
Le vernissage le 4 décembre 1997. Une magnifique soirée. Avec tous mes amis.
Un franc succès, les photos se vendent très bien. Les formats se vendent en 30 x 40, mais l’expo se fait en très grand format genre 80 x 100.
La presse, bien sûr, pas le Figaro ou le Monde,
Je ne fais partie d’aucun sérail, ouvrant des sésames,
Juste un JY, discret, qui photographie avec plaisir…
Mais ces quelques articles et couvertures, avec mon vrai nom, cette fois-ci, me font bien chaud au cœur à l’époque.


D’autres suivent, Photographe Amateur, Têtu, Chasseur d’images, et d’autres disparus à ce jour…
Début 1998, deux galeristes parisiens me proposent, comme à d’autres photographes, de mettre, dans leur galerie, La Galerie des Figuratifs, des tirages en vente.
Dans la foulée, plusieurs photographes français, spécialisés, du moins en partie, dans le nu masculin, me proposent d’exposer avec eux à Berlin, au Schwules Museum, le musée de l’Homosexualité, le seul et unique à l’époque.
Le nom de l’expo : « Oh là là !», apparemment une expression représentant bien les français.
Impossible de mettre comme affiche ou carton d’invitation un pêlemêle de plusieurs photos, chacun la sienne. Nous optons donc pour une seule photo qui représentera l’exposition.
Nous organisons un vote un samedi. Chacun vient avec la photo qu’il choisit pour lui, et un invité pour le vote.
Et…

Oh, ce n’est pas grand-chose, mais, je ne sais pas si vous voyez, depuis des années, je prends mes photos, avec plaisir, avec passion, de façon totalement en amateur, en apostrophant les futurs modèles, là où je suis, dans la rue ou ailleurs.
Je fais quelques expositions, tous les ans, depuis ma 1ère en 1991, au Grand Palais, et de façon plutôt intimiste, en dehors du Grand Palais… LOL
Et là, je vais faire une exposition à Berlin, avec des vrais photographes, vous savez, ceux qui qui savent ce qu’est un diaphragme, une vitesse, une ouverture, une focale, etc… Toute une technique qui m’est bien étrangère, presque comme aujourd’hui…
Et en plus, ils choisissent à presque l’unanimité, ma photo, faite avec la lumière du jour dans mon petit appart’.
Ce n’est pas grand-chose, mais, oui, je suis fier…
Le musée édite quelques cartes postales, me recontacte quelques années plus tard, pour en rééditer d’autres.
Oh, pas de quoi crier fortune, loin de là, mais juste de quoi faire du bien à l’égo de l’artiste…
Des articles dans la presse allemande couronne ce petit succès.

Un chorégraphe italien, après avoir vu des photos, chez un ami à Londres, l’un des acheteurs de l’exposition, me demande l’autorisation d’utiliser « Les Mains », puis le « Ken Montagnard » pour l’affiche de ses spectacles en Italie, deux années de suite.


Le KEN aura même le droit à un coffret CD.

Je deviens international… LOL
Voilà, vous connaissez l’histoire de ce Ken montagnard.
Et si vous voulez connaître toutes l’histoire de ces nus, et ce que j’en fais ensuite car l’histoire ne se termine pas là, il fallait bien que les portraits se rebiffent un peu, à un moment donné.
Alors, vous avez deviné ?
Pour vérifier si vous avez raison,
et aujourd’hui, à l’heure où nous mettons sous presse, Le Ken Montagnard sera vendu aux enchères lors d’un gala de charité organisé par le Rotary Club Nantes Jules Verne, au profit de différentes associations,
et pour vous y inscrire,
